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Fin de la production chez Audi Bruxelles, symbole du malaise de l'industrie en Europe
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L'usine Audi de Bruxelles cessera définitivement sa production vendredi, laissant sans emploi des milliers de salariés, victimes de capacités de production automobile en Europe devenues disproportionnées avec le déclin de la demande.
La fermeture de ce site de quelque 3.000 employés, sans repreneur à ce stade, intervient alors que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen doit présenter mercredi son plan d'action pour "soutenir cette industrie dans la transition profonde et disruptive qui s'annonce".
Après une croissance de près de 10% en 2023, le marché mondial a nettement ralenti l'an dernier, avec une progression de 1,7% des nouvelles immatriculations de voitures. Il a même décliné dans de grands pays européens comme l'Allemagne ou la France.
En outre, les constructeurs européens se sont laissé distancer en matière d'innovation dans les modèles électriques par les grands constructeurs chinois (BYD et Geely) ou l'américain Tesla, ont relevé ce mois-ci les experts d'Allianz Trade, avec comme conséquence des prix plus élevés.
Concernant Audi, filiale du géant allemand Volkswagen, plusieurs arguments ont été évoqués pour expliquer cette fermeture spectaculaire d'une unité de production qui était le plus gros employeur privé dans la capitale de l'UE.
En annonçant en juillet dernier qu'il envisageait cette fin d'activité, Audi avait mis en avant une "baisse mondiale" de la demande pour les SUV électriques haut de gamme, du type de son Q8 e-tron, le modèle auquel le site bruxellois était entièrement dédié.
La firme allemande avait aussi invoqué des "défis structurels de longue date" sur cet ancien site Volkswagen, progressivement agrandi avec les années mais présentant des coûts logistiques élevés.
D'autres voix parmi les responsables syndicaux ou les salariés ont reproché à Audi d'avoir pris tardivement le virage de l'électrification, et d'avoir privilégié un modèle haut de gamme trop cher.
"On pousse les gens à acheter des voitures électriques, alors que côté infrastructures on n'est pas prêts", a aussi déploré Jan Baetens, du syndicat chrétien belge CSC, rappelant l'échéance de 2035 qui doit marquer en principe la fin dans l'UE des ventes de voitures neuves à moteurs thermiques au profit du tout électrique.
- "Enrichissant" -
Avant cette échéance, la part de marché de l'électrique est censée atteindre 25% dans l'UE cette année, contre une proportion de 15% calculée pour janvier.
"On a un problème de demande en ce moment. C'est remarquable d'avoir atteint ces 15% en moins de cinq ans, désormais les véhicules sont disponibles, mais la demande stagne", soulignait la semaine dernière Sigrid de Vries, directrice générale de l'Association des constructeurs européens (ACEA).
En 2024, Audi a livré plus de 164.000 modèles "tout électrique", soit un recul de 8% sur un an. Le marché chinois, représentant près de 40% de ses livraisons globales (650.000 sur 1,67 million), a décliné de 11%.
Comme un symbole de ce déclin, l'usine bruxelloise arrêtera vendredi pour de bon ses chaînes d'assemblage, même si quelque 300 personnes poursuivront pendant plusieurs mois des tâches de comptabilité, ressources humaines, nettoyage ou démontage, d'après la direction.
Dans les jours précédant cet arrêt, des dizaines d'employés, ouvriers ou cadres, sont venus vider leur casier en guise d'adieux.
"C'était enrichissant, dommage que ça s'arrête", lâche à l'AFP Florin Tautu, un ingénieur arrivé de Roumanie en 2011, qui était chargé d'adapter l'infrastructure de l'usine aux nouvelles productions. Il est venu récupérer dans un sac plastique des biscuits, une gourde et deux paquets de mouchoirs.
Un autre cadre, lui aussi en fin de carrière et très qualifié, se veut optimiste pour la suite. "Les gens qui ont encore un emprunt à rembourser ou des enfants étudiants, eux je les plains", dit-il en préférant taire son nom.
Côté reclassement, la direction assure que les salariés d'Audi seront aidés dans leurs recherches par du personnel dédié dans les agences régionales pour l'emploi.
En avril ces agences organiseront un salon où quelque 70 entreprises viendront proposer "plus de 4.000" offres, a indiqué à l'AFP Peter d'Hoore, porte-parole de la direction.
C.W.Kuhn--BlnAP