
Après les annonces de Merz, le principal taux d'emprunt allemand s'envole comme jamais depuis la réunification

Le taux d'intérêt de l'emprunt de référence en Allemagne a connu mercredi sa plus forte hausse quotidienne depuis la réunification du pays en octobre 1990, après l'annonce d'un plan massif d'investissement par le futur chancelier Friedrich Merz pour renforcer l'armée et l'économie allemandes.
Le rendement de l'obligation à dix ans a atteint 2,79%, soit une hausse de 0,29 point de pourcentage par rapport à la veille, du jamais vu depuis mars 1990. Il a entraîné une forte tension des rendements obligataires également sur l'ensemble du continent, avec une hausse de 0,26 point en France, de 0,15 point au Royaume-Uni et 0,27 point en Italie.
De telles variations de pourcentage sont rarement observées sur une séance. Elles "reflètent une hausse des perspectives de croissance et d'inflation" en Europe, après les "annonces historiques de l'Allemagne", explique à l'AFP François Rimeu, stratégiste sénior chez Crédit Mutuel Asset Management.
La première économie européenne, en récession depuis deux ans, va lancer un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur 10 ans pour rénover les infrastructures et gagner en compétitivité. Surtout, les dépenses de défense dépassant le seuil de 1% du Produit intérieur brut (PIB) allemand, soit au-dessus de 45 milliards d'euros environ, ne seront plus décomptées dans le dispositif du pays du "frein à l'endettement".
Cette règle constitutionnelle allemande, qui empêche l’État fédéral de s'endetter de plus de 0,35% de son PIB chaque année, est accusée de freiner le développement économique et les investissements dont a besoin le pays.
Ce virage, encore impensable il y a peu, a été annoncé mardi soir par Friedrich Merz, en pleine négociation avec les sociaux-démocrates (SPD) pour constituer une coalition après la victoire de son parti CDU aux législatives, dans un contexte de tempête provoquée par le rapprochement du président américain Donald Trump avec la Russie.
Les dépenses militaires de l'Allemagne pourraient atteindre au moins 100 milliards d'euros par an, selon l'une des négociatrices du SPD, soit deux fois plus qu'actuellement - en plus du fonds spécial de 500 milliards d'euros prévu.
Ce fonds "apporterait un soutien économique à court terme et augmenterait le potentiel de croissance à long terme" de l'Allemagne, qui a connu deux années consécutives de chute de son PIB, analyse Carsten Brzeski, de la banque ING.
Si les marchés obligataires ont fortement baissé, ces annonces ont été bien perçues mercredi par les marchés boursiers, qui attendaient eux depuis longtemps un tel infléchissement pour relancer l'économie de l'Allemagne et de la zone euro. L'indice vedette de la Bourse de Francfort, le DAX, s'est ainsi envolé de 3,37%, signant sa meilleure progression depuis novembre 2022.
Un tel investissement massif en centaines de milliards d'euros "marque une rupture significative, alimentant ainsi l'optimisme quant à une reprise économique plus large dans toute l'Europe", estime Kathleen Brooks, analyste chez XTB.
"L'Allemagne n'avait d'autre choix" que de réformer sa politique, commente Jochen Stanzl, chez CMC Markets.
P.Schubert--BlnAP