
Turquie: un juge décide du sort du maire d'opposition d'Istanbul

Un juge doit décider dimanche matin de l'incarcération ou de la remise en liberté du maire d'opposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu, dont l'arrestation mercredi pour "corruption" et "terrorisme" a déclenché une vague de contestation en Turquie.
M. Imamoglu, principal rival du président Recep Tayyip Erdogan, avait été amené samedi soir avec 90 de ses co-accusés au tribunal stambouliote de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier, avant d'y être entendu à deux reprises dans la nuit.
La justice a commencé à se prononcer dimanche matin sur l'incarcération de plusieurs des co-accusés du maire, selon des médias turcs.
Jusque tard, des dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées devant l'hôtel de ville d'Istanbul pour le quatrième soir consécutif à l'appel de l'opposition afin d'y soutenir M. Imamoglu, qui a dénoncé des accusations "immorales et sans fondement" à son encontre.
Des manifestants ont passé la nuit à l'intérieur de la mairie, certains tentant de trouver le sommeil sur des chaises disposées dans le hall du vaste bâtiment en attendant d'être fixés sur le sort du maire, a constaté un photographe de l'AFP.
Pour tenter de prévenir des troubles, le gouvernorat d'Istanbul a prolongé l'interdiction de rassemblements jusqu'à mercredi soir et annoncé des restrictions d'entrée dans la ville aux personnes susceptibles de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en oeuvre.
L'accusation de "soutien à une organisation terroriste" contre M. Imamoglu, figure du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force d'opposition, fait redouter à ses soutiens son remplacement par un administrateur nommé par l'Etat à la tête de la plus grande ville du pays s'il est incarcéré.
- "illégal" -
Depuis mercredi, la contestation déclenchée par son arrestation s'est répandue à travers la Turquie, atteignant une ampleur inédite depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d'Istanbul.
Des rassemblements ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l'AFP.
Ces manifestations ont débouché sur des centaines d'arrestations dans au moins neuf villes du pays, selon les autorités.
"Tout comme les gens sont descendus dans les rues pour soutenir Erdogan lors de (la tentative) de coup d'Etat du 15 juillet (2016), nous sommes dans la rue pour soutenir Imamoglu", a déclaré samedi soir à l'AFP Aykut Cenk, 30 ans.
"Nous ne sommes pas les ennemis de l'Etat mais ce qui se passe est illégal", a-t-il ajouté en brandissant un drapeau turc devant le tribunal stambouliote de Caglayan où le maire était entendu.
Paris et Berlin ainsi que les maires de plusieurs grandes villes européennes avaient également condamné dès mercredi l'arrestation de M. Imamoglu.
En réponse à la contestation, le président Erdogan, qui a lui-même été maire d'Istanbul dans les années 90, a juré de ne pas céder à la "terreur de la rue".
Ekrem Imamoglu, 53 ans, est devenu la bête noire du président turc en ravissant en 2019 la capitale économique du pays au Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du chef de l'Etat, qui gardait la main sur Istanbul avec son camp depuis vingt-cinq ans.
L'édile d'opposition, triomphalement réélu l'an passé, devait assister initialement dimanche à son investiture en tant que candidat de son parti pour la prochaine présidentielle, prévue en 2028.
Le CHP a décidé de maintenir l'organisation de cette primaire, qui a démarré à 08H00 locales (05H00 GMT), et a appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre part.
O.Hartmann--BlnAP