
Israël: Netanyahu intensifie la pression pour limoger le chef du Shin Bet

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a intensifié lundi ses critiques contre le chef du Shin Bet Ronen Bar, qu'il a accusé de saper les "fondements de la démocratie" en enquêtant sur un ministre d'extrême droite.
Ces nouvelles allégations contre le chef de l'Agence de sécurité intérieure interviennent dans un contexte de polarisation politique croissante, des dizaines de milliers d'Israéliens étant descendus ces derniers jours dans les rues pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme une dérive autocratique du chef du gouvernement, dont le renvoi de M. Bar serait l'un des derniers avatars.
Le chef du gouvernement est pris dans un bras de fer avec la Cour suprême, qui a suspendu le limogeage de M. Bar, annoncé vendredi par le gouvernement, et avec la procureure générale de l'Etat, Gali Baharav-Miara, contre laquelle le cabinet a voté dimanche une motion de défiance, première étape d'une procédure de destitution promettant d'être longue.
Le Bureau de M. Netanyahu a accusé lundi dans un communiqué M. Bar d'avoir enquêté sans l'accord du Premier ministre sur le ministre d'extrême droite Itamar Ben Gvir, chargé du portefeuille de la Sécurité nationale.
Cette déclaration survient après que la chaîne de télévision 12 a affirmé que le Shin Bet menait depuis quelques mois une "procédure secrète" d'enquête sur l'infiltration d'éléments d'extrême droite au sein de la police et sur son ministre de tutelle, M. Ben Gvir.
- "Criminel et menteur" -
"Le document publié, qui contient une directive explicite du chef du Shin Bet de recueillir des preuves contre l'échelon politique, s'apparente (aux méthodes) de régimes (obscurantistes), sape les fondements de la démocratie et vise à faire tomber le gouvernement de droite", ajoutent les services de M. Netanyahu.
M. Ben Gvir a quant à lui qualifié sur le réseau social X Ronen Bar de "criminel" et de "menteur, qui tente maintenant de nier sa tentative de conspiration contre des élus dans un pays démocratique".
Le gouvernement, un des plus à droite de l'histoire d'Israël, a acté vendredi le renvoi de M. Bar. La Cour suprême a suspendu cette décision quelques heures plus tard jusqu'au 8 avril afin de pouvoir examiner cinq recours, dont un de l'opposition.
M. Bar est devenu la bête noire de M. Netanyahu et de ses alliés depuis le retour au pouvoir fin 2022 du chef du Likoud (droite) grâce à une alliance avec des partis d'extrême droite en raison, notamment, de ses dénonciations d'un "terrorisme juif" à l'oeuvre selon lui en Cisjordanie occupée et des dernière enquêtes de ses services mettant en cause l'exécutif.
M. Netanyahu tient M. Bar pour responsable de l'échec d'Israël a empêcher l'attaque sanglante du Hamas, le 7 octobre 2023, ayant déclenché la guerre en cours à Gaza.
- "Conflit d'intérêts" -
L'un des recours contre le renvoi de M. Bar par le gouvernement estime que les vrais raisons de sa destitution sont à chercher dans l'affaire nommée "Qatargate" par les médias, dans laquelle des proches du Premier ministre sont soupçonnés par le Shin Bet d'avoir reçu des pots-de-vin en provenance du Qatar.
Le recours pointe également les conclusions de la récente enquête interne du Shin Bet ayant conclu à son "échec" le 7 octobre 2023, journée la plus meurtrière de l'histoire d'Israël, mais mettant aussi en cause, sans le nommer, la politique d'apaisement vis-à-vis du Hamas prônée pendant des années par M. Netanyahu et d'autres dirigeants politiques.
Face au durcissement de la contestation, M. Netanyahu a défié les manifestants samedi soir en affirmant: "Ronen Bar ne restera pas à la tête du Shin Bet, il n'y aura pas de guerre civile, et Israël restera un État démocratique".
La procureure générale, qui est aussi conseillère juridique du gouvernement, est également dans le viseur du gouvernement. Elle a ouvertement critiquée la destitution de M. Bar sur le plan juridique et soupçonne M. Netanyahu de "conflit d'intérêts" dans cette affaire.
En décembre 2022, elle avait estimé que le projet de réforme de la justice porté par le gouvernement de M. Netanyahu menaçait de faire d'Israël une "démocratie qui en a le nom, mais pas l'essence".
Cette réforme a profondément divisé le pays en 2023. Le gouvernement l'a officiellement suspendue avec le déclenchement de la guerre mais l'a réactivée ces derniers mois.
C.W.Kuhn--BlnAP