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Présidence du CIO: "la clé c'est l'expérience", estime le candidat Samaranch Jr
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Juan Antonio Samaranch Junior, candidat à la présidence du CIO dont il est membre depuis 25 ans, a mis en avant son expérience, "la clé" selon lui, pour relever les défis d'un "monde plus complexe que jamais", mercredi lors d'un entretien à l'AFP.
QUESTION: De quel genre de leader a besoin le CIO ?
REPONSE: "Le monde actuel est plus complexe que jamais. Je pense que le paradigme dans lequel nous vivons depuis 50 ans, reposant sur la paix et l'ordre, est vraiment remis en question. Dans ces conditions, la clé, selon moi, c'est l'expérience. Or j'en ai accumulé pendant de très nombreuses années, à la fois dans le monde des affaires et en traitant de dossiers olympiques et non-olympiques avec des chefs d'Etat. Le changement dont nous avons besoin doit reposer sur l'expérience, et non sur l'expérimentation. J'ai pris part aux discussions sur la manière de gérer le scandale de dopage russe à Sotchi. J'ai en partie coordonné l'organisation des Jeux d'hiver de Pékin-2022 à l'ère du Covid. J'ai été le premier président de la chaîne olympique, de sorte que toute la stratégie numérique a été mise en œuvre par ce biais. Je possède la meilleure expérience pour faire tourner la machine et pour le faire dès le premier jour."
Q: Pendant 24 ans au CIO, vous avez été confronté à de nombreuses situations difficiles. Comment voyez-vous l'avenir ?
R: "Ce qui se profile s'annonce très compliqué parce que l'ordre mondial est en train de changer. Les discours, pas seulement aux Etats-Unis, mais dans le monde entier, ont complètement changé. Notre travail va donc devenir plus difficile. Il y a encore peu, nous pouvions aller n'importe où. Nous prononcions les mots universalité, fraternité, unité. Et ils constituaient une vérité incontestée. Or cette vérité est aujourd'hui très contestée. Notre tâche ne sera donc pas simple. Mais d'un autre côté, nos valeurs sont plus nécessaires que jamais, parce que nous sommes l'un des seuls phares qui diffuse cette idée d'universalité, de fraternité, de célébration des différences."
Q: Comment comptez-vous impulser un changement et sur quels points en priorité ?
R: "Je sais qui fait quoi et ce qu'il faut faire pour changer les choses. Lorsque Thomas Bach a pris ses fonctions, il a fait en sorte que les changements se fassent dix fois plus vite. Or ce n'est pas assez. Nous devons faire encore dix fois plus vite. La chose la plus importante pour le prochain président, c'est qu'il devra aller là où se déroulent les conflits. Nous devons aller parler aux gens. Il ne suffit pas d'attendre et de voir ce qui va se passer. Nous devons être très proactifs et comprendre ce qui se passe."
Q: Comment faire face à la politisation croissante du sport ?
R: "Elle concerne autant le conflit Ukraine-Russie, que celui à Gaza et les 45 autres conflits armés dans le monde. Or les Jeux olympiques continuent d'être l'un des rares îlots d'espoir d'universalité et de respect des différences au sein de l'humanité. Notre tâche est simple à définir, mais difficile à exécuter. Nous devons éviter d'être utilisés, faire très attention à conserver notre indépendance et notre neutralité. Nous devons continuer à être apolitiques. Et on ne peut pas imaginer à quel point c'est difficile. Il faut avoir l'expérience d'avoir eu affaire à des gens aussi puissants."
Q: Justement, le CIO aura affaire à Donald Trump pour Los Angeles 2028...
R: "Le président Trump a été très, très clair sur le fait qu'il s'agit de l'un des trois événements les plus importants de sa présidence à venir. Je suis sûr que le comité d'organisation, les Californiens, l'administration à Washington, voient là une excellente occasion d'impressionner le monde sur ce qu'ils sont capables de faire. Nous partageons donc le même objectif."
Q: Trump a été très clair sur le fait qu'il ne voulait pas de sportifs transgenres. Quelle est votre position ?
R: "Les catégories de sexe ont été créées, au début du sport de compétition, pour protéger les femmes et rendre le sport équitable. Et il doit continuer à en être ainsi. Le monde attend du CIO un tel leadership dans ce domaine que nous devons l'assumer en adoptant une position très claire. Nous avons besoin de créer un comité scientifique qui, immédiatement après l'entrée en fonction du nouveau président, décidera des règles à suivre."
Q: Sous quel délai souhaitez-vous obtenir cette réponse scientifique ?
R: "Il faudrait l'avoir avant les Jeux de Milano-Cortina (février 2026). Il y a urgence. Si le délai est court, alors il nous faut travailler plus dur. Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question d'intelligence."
Q: Votre nom est il un atout ou un inconvénient ?
R: "Je suis extrêmement fier de mon nom de famille et des années passées par mon père à la tête du CIO (1980-2001). Il a intégré le CIO il y a près de 60 ans et l'a quitté il y a 24 ans. Lui comme toutes ces personnes extraordinaires, qui ont redonné vie à l'Olympisme, rien de ce qu'ils ont rencontré n'est pertinent aujourd'hui. Et en même temps, avec un tel nom, je ne saurais être un futur président mieux préparé."
X.Herrmann--BlnAP