
Foot: verdict attendu en appel pour Platini et Blatter

Après près de dix ans d'enquête et un acquittement en première instance, Michel Platini et l'ex-président de la Fifa Sepp Blatter vont connaître mardi leur verdict en appel devant la justice suisse dans l'affaire de paiement suspect qui les a placés au ban du football mondial.
A 10h00 locales (GMT+1), la Cour d'appel extraordinaire du Tribunal pénal fédéral réunie à Muttenz (nord-ouest) scellera le sort des deux ex-dirigeants, ne laissant plus qu'un recours en cassation possible pour des motifs limités. Le parquet a requis début mars un an et huit mois de prison avec sursis, bien en dessous des cinq ans d'emprisonnement qu'ils encourent.
Comme en première instance, le Français de 69 ans et le Suisse de 89 ans ont chacun plaidé l'acquittement - le terme suisse même pour des faits délictuels. Sans relâche, ils clament leur innocence et voient dans ce dossier une manipulation qui visait à les écarter du pouvoir.
"Le motif de la présente procédure (ouverte en 2015 après la démission de Blatter empêtré dans les scandales, NDLR) était uniquement d'empêcher Michel Platini de devenir président de la Fifa", a accusé à l'audience Me Dominic Nellen, l'avocat du triple Ballon d'Or.
Il a d'ailleurs réclamé une "réparation morale" pour son client, dont la carrière a été "brutalement ruinée" au moment où, président de l'UEFA et toujours auréolé de sa gloire sportive, il paraissait idéalement placé pour prendre la tête du football mondial.
- "Accord de gentlemen" -
Mais judiciairement, le contexte de l'affaire importe peu: seule comptera, pour la Cour d'appel, la "tromperie" reprochée aux deux accusés, soit le paiement par la Fifa de 2 millions de francs suisses (1,8 million d'euros) à l'ex-N.10 des Bleus en 2011, avec l'appui de Sepp Blatter.
Défense et parquet s'accordent sur un point: le Français a bien conseillé le Suisse entre 1998 et 2002, lors du premier mandat de Blatter à la tête de la Fifa, et les deux hommes ont signé en 1999 un contrat convenant d'une rémunération annuelle de 300.000 francs suisses, intégralement payée par la Fifa.
Mais en janvier 2011, l'ancien milieu de terrain "a fait valoir une créance de 2 millions de francs suisses", qualifiée de "fausse facture" par l'accusation.
Les deux hommes martèlent de leur côté qu'ils avaient dès l'origine décidé d'un salaire annuel d'un million de francs suisses, par un "accord de gentlemen" oral et sans témoins, sans que les finances de la Fifa n'en permettent le versement immédiat à Platini.
Le Français "valait son million", a encore assuré Blatter lors du procès, avant que Platini ne raconte à son tour la négociation: "J'ai voulu un peu plaisanter et j'ai dit +un million de ce que tu veux: des roubles, des pesetas, des lires+. Et M. Blatter a dit +un million de francs suisses+."
- L'ombre de la corruption -
Dans ses réquisitions, le procureur Thomas Hildbrand a souligné la "contradiction" avec le contrat de 1999, le contraste avec les pratiques habituelles de l'instance, et plus généralement celles du monde du travail, et a exhumé des rapports d'audit montrant que la Fifa avait encore d'abondantes réserves de trésorerie.
S'agit-il de décider quelle version est la plus crédible ? Non, a rappelé Me Nellen, puisque la charge de la preuve pénale repose sur l'accusation: "ce n'est pas à la défense de prouver l'existence d'un tel accord oral", mais au parquet de démontrer que les accusés ont escroqué la Fifa.
Or le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, en 2022, avait acquitté les deux hommes en première instance en estimant que l'escroquerie n'était "pas établie avec une vraisemblance confinant à la certitude" - même si décider sans trace écrite d'un salaire aussi élevé paraissait "quelque peu inhabituel".
La défense a par ailleurs fait valoir que Blatter n'avait aucun "motif" d'escroquer la Fifa, puisqu'il n'a pas gagné un centime dans l'affaire, alors que Platini "aurait eu divers moyens nettement plus simples" de s'enrichir, comme négocier un bonus ou signer un nouveau contrat.
Prudemment, Thomas Hildbrand a rappelé le soutien apporté par Michel Platini à la réélection de Blatter à un quatrième mandat, en mai 2011, faisant planer le soupçon de corruption dans le prétoire.
Mais il "a lui-même considéré cette hypothèse comme non prouvée", a relevé Me Lorenz Erni, l'avocat de Sepp Blatter.
A.Freund--BlnAP