
Pour RFK Jr, des débuts tumultueux au ministère américain de la Santé

Entre épidémie mortelle de rougeole, démissions au sein de sa nouvelle équipe et camouflet au Sénat, Robert Kennedy Jr, ancien avocat contesté pour ses positions vaccinosceptiques, connaît des débuts chahutés à la tête du ministère américain de la Santé.
Depuis sa prestation de serment mi-février, le septuagénaire fait face à une crise sanitaire d'ampleur avec la reprise de la rougeole, une maladie très contagieuse et grave qui avait été éliminée du pays en 2000 grâce à la vaccination.
Plus de 300 personnes ont été contaminées au Texas et au Nouveau-Mexique, épicentres de l'épidémie, avec deux morts, les premiers enregistrés en une décennie aux États-Unis.
"Nous avons des épidémies de rougeole chaque année", a récemment relativisé RFK Jr lors d'une interview à Fox News, organisée dans... un fast-food.
Entre minimisation de la gravité de la situation, propos ambigus sur la vaccination et promotion de remèdes alternatifs, le ministre de la Santé de Donald Trump a suscité ces dernières semaines colère et inquiétude chez des soignants.
"Il ne pourrait pas faire pire", fustige le pédiatre infectiologue Paul Offit auprès de l'AFP. "Les gens supposaient qu'en devenant ministre de la Santé il deviendrait un peu plus responsable (...). Ils se trompaient."
- Gestion de crise -
Le nouveau ministre a fini par rappeler début mars dans un éditorial sur Fox News que les vaccins ne protégeaient "pas seulement les enfants contre la rougeole, mais contribu(aient) également à l'immunité de tous".
Mais il a, en parallèle, continué à alimenter les doutes à leur sujet.
Le vaccin "provoque des décès chaque année. Il est à l'origine de toutes les maladies que la rougeole elle-même provoque: encéphalite, cécité, etc", a-t-il déclaré mi-mars toujours sur Fox News, tout en promouvant le droit des Américains à choisir librement.
"Toutes ces affirmations sont simplement et clairement fausses", tonne Paul Offit, dénonçant également les traitements alternatifs tels que la vitamine A mis en avant par le ministre.
Ce supplément, recommandé par l'OMS pour réduire le risque de complications, a "montré un certain effet dans les pays d'Afrique où la malnutrition est fréquente", explique-t-il. Mais "il n'y a pas eu une seule étude aux États-Unis" montrant qu'elle "traite d'une quelconque manière la rougeole ou limite la mortalité".
Une gestion de crise qui est décriée jusqu'en interne, conduisant à la démission d'un de ses porte-paroles, selon des médias américains. Et qui inquiète même certains républicains.
Au point que la Maison Blanche a retiré à la dernière minute jeudi la candidature d'un de ses proches, David Weldon, qui devait prendre la tête des CDC, principale agence de santé publique, par crainte qu'il ne lui manque les voix nécessaires au Sénat.
- Transparence et graisse de boeuf -
La rougeole fait son retour aux Etats-Unis à la faveur de la baisse des taux de vaccination, sur fond de défiance croissante à l'égard des autorités et des laboratoires pharmaceutiques.
Un phénomène auquel RFK Jr est accusé d'avoir lui-même contribué en établissant un lien entre le vaccin obligatoire ROR (rougeole, oreillons et rubéole) et l'autisme, une théorie issue d'une étude truquée et maintes fois démentie par des études postérieures.
Son ministère a ainsi récemment ordonné une nouvelle enquête sur le sujet. "Aucune piste" ne doit être négligée, a justifié son porte-parole à l'AFP, évoquant une hausse des taux d'autisme et un besoin de "transparence".
Une référence au credo du neveu du président assassiné "JFK", qui s'est engagé à établir une "transparence radicale" et à "rendre aux Américains leur santé", notamment en luttant contre l'alimentation ultra transformée.
S'il a bien amorcé une démarche pour durcir la règlementation sur les additifs alimentaires, RFK Jr a dans le même temps fait la promotion d'une chaîne de fast-food ayant adoptée la cuisson à la graisse de boeuf.
Et côté transparence, ses critiques l'accusent d'avoir mis en place tout son contraire, notamment en revenant sur une mesure qui permettait au public de donner son avis sur des politiques de santé.
Entre réunions annulées sans raison, mesures annoncées sans concertation interne et centralisation du pouvoir, les agences sanitaires américaines se sont transformées en "boîte noire", rapporte Nate Brought, qui travaillait pour l'une d'entre elles.
"La manière dont les choses sont gérées n'est vraiment pas transparente", raconte à l'AFP ce responsable qui a démissionné en février. "Tout le monde est intentionnellement tenu dans l'ignorance."
K.Koch--BlnAP